Tout comme Watteau demeure à jamais le peintre des fêtes galantes, ou Degas celui des ballerines et des demoiselles d’Opéra, Eugène Boudin, précurseur de l’Impressionnisme, restera le peintre des plages et des ciels, des lumières scintillantes sur l’eau.
L’homme arborait le teint coloré de ceux qui vivent à l’air du large. Pourtant, ce n’était pas le matériel du marin pêcheur qu’il transportait mais celui de l’artiste peintre. Il marchait d’un pas vif, presque conquérant, ce qui surprenait fort dans ce pays où on le savait discret, voire effacé. Depuis quelques heures, le « petit Eugène » était devenu « Monsieur Boudin ». Un homme heureux grâce à une phrase décisive de Gustave Courbet. Oui ! Le grand Courbet enthousiasmé devant les oeuvres d’Eugène Boudin : « Si je l’en croyais, je me regarderais certainement comme l’un des talents de notre époque ! » souriait Boudin derrière sa barbe. L’avenir donna raison à Gustave Courbet...
"Le Port de Honfleur"
L’artiste avançait le long de la mer, à la recherche du point de vue à croquer. Les souvenirs d’enfance remontaient : Fils de pêcheur, il était né le 12 juillet 1824, ici, à Honfleur, où il avait grandi avant de gagner le Havre. Le Havre où, dès ses 12 ans il avait travaillé chez l’imprimeur Joseph Morlent puis chez Alphonse Lemasle, pour finalement devenir un modeste papetier à son compte. Quelle toquade l’avait poussé en 1844, à l’âge de 24 ans, à abandonner sa boutique et sa relative sécurité matérielle ? Peut-être ces artistes, gloires locales ou parisiennes, comme Isabey ou Millet, qui se fournissaient chez lui en papier d’aquarelle. Ils recherchaient des sujets de paysages et de marines. Boudin aussi dessinait…
"Marée Basse à Saint-Vaast la Hougue"
Puis un jour, sans formation académique, sans relations mondaines, il décida de devenir peintre. Ce n’était pas un caprice, mais une vocation. Cela signifiait, il le savait, des années de vaches maigres. Années pendant lesquelles Boudin survit grâce à des commandes de copies, de bouquets de fleurs et autres «tableaux de salle à manger». Puis, grâce à une bourse octroyée par la municipalité du Havre, qui lui permit de « monter à Paris » pour étudier, il fréquenta les musées et commença à fréquenter des artistes. Encouragé par Thomas Couture et employé par son compatriote Troyon dont il réalisait les fonds de ses tableaux, Boudin apprenait, Boudin se formait. Puis découragé et désargenté il revint au pays, sans gloire ni fortune. Il avait 35 ans. Tout allait changer grâce à un poète, à une duchesse et…au chemin de fer !
"Le Port de Honfleur"
Le poète était Baudelaire. En 1859, il remarqua Eugène Boudin, lors de sa première exposition au Salon de Paris, le tableau s’appelait : « Un pardon à Saint Anne la Palud.». Baudelaire écrivit, on le lut. Boudin sortit alors de l’ombre. Bientôt Courbet s’émerveilla à son tour. Et Boudin s’épanouit. Il allait oser. Enfin ! En inventant la scène de plage, il allait réussir au-delà de ses espérances. Lancée par la duchesse de Berry en 1824, la pratique des bains de mer serait restée encore longtemps une mode sans le chemin de fer. En 1860, celui-ci arrivait à Trouville pour y déverser des wagons entiers de Parisiens en quête d’air marin. Sur les plages jusqu’alors désertes, on vit germer des multitudes de cabines, fleurir des crinolines et s’épanouir les ombrelles. Le spectacle était irrésistible et conquit Boudin, quelque peu amusé. Désormais, sous ses immenses ciels bleus ou gris, on voyait à la frontière du sable et de l’eau une horizontale multicolore : des personnages semblaient vibrer dans une brises frisquette ou un brouillard de chaleur, animés par un pinceau vif. Les amateurs apprécièrent, les confrères également. En 1874 il participa à la première exposition impressionniste chez Nadar, puis dans les locaux du marchand d‘Art Durand Ruel. À partir de cette date, il fut considéré comme l’un des précurseurs du mouvement impressionniste, bien qu'il ne se considérât jamais lui-même comme un grand innovateur.
"Sur la Plage de Dieppe"
Pourtant la réussite fut lente. Il fallu encore une bonne vingtaine d’années avant que Boudin ne soit enfin un peintre reconnu, avec commandes de l’Etat et Légion d’Honneur. Ses cadets lui rendirent bientôt hommage, dont un certain Claude Monet qu’il avait mit, tout gamin, sur la voie de l’impressionnisme en le forçant à travailler sur le motif. «Je ferai d’autres choses, mais toujours je peindrai des plages» s’était juré Boudin. Il tint parole, les «autres choses» furent le plus souvent d’autres bords de mer qu’il saisit de la Hollande jusqu’à Venise. Mais ce sont aussi, en Normandie, des paysages aux grasses frondaisons, des pâtures aux troupeaux indolents, des scènes de marchés aux opulentes devantures. Boudin peignait de plus en plus par touches et par tâches, fasciné par cette étonnante et extraordinaire lumière si rapidement changeante.
"Cabines de Bain à Deauville"
Exacerbée par la vie citadine, sa soif de lumière devenait toujours plus grande. Le peintre qu’il était devenu, avec ses collectionneurs, ses amateurs et ses marchands, se devait de vivre à Paris. Il céda à cette obligation mais, dès le printemps, avec quelle hâte revenait-il sur les lieux de sa jeunesse ! Quand en 1898, à Paris, il se sentit défaillir, il demanda à se faire transporter sur sa plage de Trouville, il décéda le 8 août au matin dans sa villa Breloque, au 8 rue Oliffe, et fut enterré au cimetière Montmartre à Paris.
" L'Impératrice Eugénie sur la Plage de Trouville"
"A l'Approche de l'Orage"
"Bateaux dans le Port de Camaret"
"Les Lavandières de Touques"
"Plage de Trouville scène 14"
La lumière devient de plus en plus transparente, translucide, scintillante, délicate, merveilleuse...
"La Gondole - Venise"
Ce que c'est beau ! On en est presque ému de voir ces toiles.
RépondreSupprimerMerci
Franck
Je crois que l'on peut avouer être complètement ému devant la perception de la lumière qu'avait Boudin et devant son immense talent. Il a beaucoup peint de petites marines, mais devant un original, même si le tableau n'est pas immense, on est transcendé.
RépondreSupprimerAmitiés