jeudi 21 janvier 2010

LUMIERES DU NORD : LA PEINTURE SCANDINAVE

Gustav Nils Wentzel "Skieurs à Fjelkenbakken" date non connue
document personnel
Il y a quelques années, j'ai découvert la peinture du Nord... Une des plus belles, des plus originales, des plus extraordinaires qu'il soit, on ne se lasse jamais de l'explorer et d'admirer ces artistes, ils ont toujours cherché la perfection. Ce qu'il ressort de leur oeuvre est une perpétuelle recherche dans ce qu'ils voyaient, ce qu'ils ressentaient, ce qui les touchait, ils ont su incroyablement et merveilleusement faire "parler leurs coeurs et leurs pinceaux", l'Art scandinave est riche, lumineux, élégant, raffiné et sensible, il vous emporte dans un univers de beauté, et je me suis laissée charmer pour la vie. Mes premières découvertes furent Carl Larsson, Peder Severin Kroyer et Frits Thaulow que j'admire éperduement, mais, lors d'une expositon au Petit Palais, j'ai eu la joie de faire la connaissance des oeuvres du féerique Gustav Fjaestad et de bien d'autres....
voir articles série "les neiges de..." sur ce blog
Frits Thaulow : "le Vieux Pont sous la Neige"

La peinture nordique du XIXe siècle se divise en deux grandes périodes bien distinctes : la Première recouvre les années 1820-1830 et concerne surtout le Danemark, où un véritable Âge d’Or vit le jour. La Seconde débuta autour de 1870 et se prolongea jusqu’à l’aube de la Première Guerre mondiale. Depuis le Danemark, la vague de modernité prit sa source essentiellement dans l’Impressionnisme français et atteignit la Finlande, la Norvège et la Suède, où l’on assista à l’apparition de styles aussi singuliers que divers.



Christoffer Wilhelm Eckersberg

L’Âge d’Or Danois, 1820-1850
Les années 1820-1850 constituèrent un véritable âge d’or de la peinture danoise. De retour de Rome, plusieurs artistes comme Christoffer Wilhelm Eckersberg, voulurent libérer la peinture des conventions établies par l’Académie. A cet égard, ils privilégièrent une démarche naturaliste ainsi que la peinture de plein air. Ils peignent des paysages citadins ou ruraux emplis de lumière, dans un style novateur, libre et spontané. Wilhelm Bendz portera après lui l’âge d’or à son apogée grâce à ses portraits extrêmement réalistes, où chaque détail est finement rendu.


Wilhelm Bendz : "Bâteaux de Pêche à Nyhawn" 1822

L’Art Populaire Danois entre 1850 et 1870
Suite aux crises politiques qui secouèrent le Danemark, touchée par les mouvements révolutionnaires européens, la peinture danoise connut une nouvelle inspiration, placée sous le signe du Romantisme patriotique. Les scènes issues de la vie à la campagne selon les traditions populaires et les coutumes locales, devinrent les thèmes de prédilection d’artistes comme Christen Dalsgaard.





Peder Severin Kroyer "Plage de Skagen"
L’Ecole Impressionniste de Skagen
Vers 1870, à l’instar des peintres français retirés à Barbizon ou à Pont-Aven, quelques artistes quittèrent la capitale danoise afin de se rendre à Skagen, petit village de pêcheurs à la pointe nord du pays. Autour de Michael Ancher et de Peder Severin Krøyer, ces peintres adoptèrent une facture libre et spontanée, et choisissèrent désormais leurs motifs dans leur entourage et leur quotidien. L’importance de l’Ecole de Skagen dans l’évolution de la peinture scandinave est déterminante : elle marque l’assimilation des principes impressionniste dans le respect de la tradition scandinave. La fin du siècle voit l’éclosion de styles personnels, orientés essentiellement vers l’exploration du monde intérieur de l’artiste. Les œuvres de Vilhelm Hammershoi restent empreintes de silence recueilli et de mystère, dans le sillage des peintures de Vermeer.

La Peinture Finlandaise : retour aux sources
Après avoir subi la domination suédoise pendant près de sept siècles, en 1809 la Finlande se retrouva annexée à la Russie et resta sous sa dépendance jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ce joug, de même que les conditions naturelles extrêmes de ce pays, dont le tiers se trouve au-delà du cercle polaire arctique, n’empêchèrent pas l’Art finlandais de se développer de manière originale. Centrés sur l’exaltation d’un patriotisme national, les artistes participèrent à la quête des racines politiques, historiques et culturelles de leur pays. Le passé mythique de la Finlande devint leur source d’inspiration, comme en témoignent les chefs-d’oeuvre d’Akseli Gallen-Kallela, qui illustre la saga du Kalevala.


Bruno Liljefors

La Peinture Norvégienne Intimiste
La rigueur du climat, l’aridité de la nature et la domination, jusqu’en 1905, de la Suède, retardèrent le développement d’un véritable Art norvégien. Grâce à une impulsion décisive venue du Danemark, notamment du cercle d’artistes de Skagen, les peintres norvégiens commencèrent à peindre des scènes de la vie contemporaine et éclaircissèrent leur palette. Le genre intimiste était né, porté à son apogée par Christian Krohg, qui trouva son expression la plus achevée en Norvège vers la fin du XIXe siècle.


Christian Krohg : Agnès Mowinkel

La Peinture Suédoise : Sous le Soleil de France
A la recherche de nouvelles perspectives, bannissant la rigueur académique de L’Académie de Stockholm, plusieurs artistes suédois se rendirent en France dès 1870. Réunis dans le village de Grez-sur-Loing, ils assimilèrent les leçons de L’impressionnisme, particulièrement visibles dans l’oeuvre de Karl Nordström, et les diffusèrent dès leur retour dans leur pays d’origine. Ils préservèrent la singularité de leur style tout en participant à l’évolution artistique de leur temps vers le Symbolisme. Ces artistes accordèrent une attention particulière et attentionnée à cette subtile lumière qui baigne les paysages du Nord. Au tournant du XIXe siècle, les vues nocturnes tourbillonnantes d’Eugène Jansson ainsi que les illustrations décoratives de Carl Larsson reflètent la diversité et la richesse de l’Art suédois.


Gustav Fjaestad... une féerie !

L'Impressionisme Scandinave
Mis à Part quelques artistes tels que Munch, Larsson, Gallen Kallela, Strindberg et Edelfelt (dont la notoriété repose plus sur l’œuvre littéraire que picturale pour ces deux derniers), la plupart des artistes nordiques restent encore mal connus en dehors des pays Scandinaves
.


Edelffelt : "Le Mont Kaukola au crépuscule"


Au Danemark, Peter Séverin Kröyer est le principal représentant de l'Impressionnisme danois, le « virtuose de la lumière diffuse ». En Suède, l'"Ecole de Grez-sur-Loing" est "l’Argenteuil et le Pontoise" des artistes, les "Parisersvenkarna" regroupent des peintres comme Ernest Josephson, Carl Larsson, Bruno Liljefors et surtout Anders Zorn. En Norvège œuvrent Fritz Thaulow, le "peintre des eaux courantes", Christian Krogh, le "Manet Norvégien", Erik Werenskjold et Edvard Munch, élève de Bonnat influencé quelque temps par Cézanne, Degas et Odilon Redon.

Peder Severin Kroyer

Anders Zorn "Vagues"


Frits Thaulow "Elvelanskab i Frankrig" voir les articles consacrés à Frits Thaulow sur ce blog


Edvard Munch "Petit pêcheur norvégien"

Le Romantisme National
Si le Symbolisme etait le courant artistique dominant dans le Nord à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, il se développa de manière tout à fait originale sous le nom de Romantisme National que la Finlande su particulièrement mettre en valeur.


Christen Kobbe : Lac Sortedam

Au cours des années 1830 à 1850, une nouvelle sensibilité picturale s’affirma au Danemark. Ce mouvement balaya les conventions académiques et les thèmes prosaïques imposés par le mécénat de Cour. Dans le sillage du sculpteur Bertel Thorvaldsen, quelques artistes dont Christoffer Wilhelm Eckersberg, se rendirent à Rome afin de poursuivre leurs études. Eckersberg, considéré comme le père du Guldalder, Age d’Or Danois, privilégia une démarche naturaliste et adopta la peinture de plein air, très éloignée de la rigueur du néoclassicisme. A son retour au Danemark, où il enseignait à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, il exerça une forte influence sur ses élèves, dont Wilhelm Bendz et Christen Kobke, qui portèrent l’Art danois à son apogée.
Vers le milieu du XIXe siècle, les artistes danois s’engagèrent vers le Romantisme Patriotique, privilégiant la représentation de scènes de genre inspirées par les traditions populaires et les coutumes locales. Les oeuvres de Christen Dalsgaard témoignent ainsi d’une finesse d’observation prodigieuse, elles offrent une vision inédite du Nord, centrée sur la vie rurale. La peinture de paysage connut également un considérable essor, grâce aux toiles de Peter Christian Skovgaard ou à celles de Vilhelm Kyhn.

Dans les années 1870, quelques artistes cherchèrent à renouveler leurs sources d’inspiration et s’éloignèrent des sujets artistiques habituels, à l’instar des artistes français retirés à Barbizon ou à Pont-Aven. A Skagen, petit village de pêcheurs au nord du Danemark, un groupe de peintres se retrouva autour de Michael Ancher et de sa femme Anna, et découvrirent là de nouveaux motifs en s’inspirant des activités quotidiennes. Le Norvégien Christian Krohg, de retour dans son pays après un séjour à Skagen, élabora un style résolument moderne dont le registre réaliste se concentra sur le labeur des pêcheurs, sujet prédominant de Michael Ancher.


Christian Krohg

L’influence de l’Impressionnisme se répercuta dans tous les pays du Nord. En Suède, Karl Nordström réunit une colonie d’artistes à Varberg, sur la côte ouest du pays. Cet artiste évolua par la suite vers un synthétisme japonisant, proche du style de Gauguin. Les portraits du célèbre peintre suédois Anders Zorn séduisent par leur spontanéité et leur acuité psychologique. Ses nus sensuels et picturaux, inspirés en partie par les Baigneuses et autres femmes de Renoir, marquèrent une rupture définitive avec les conventions académiques.
La fin du siècle vit émerger de nouvelles approches, comme celle de Vilhelm Hammershoi, peintre danois parvenu de son vivant à une notoriété internationale. Ses paysages et ses intérieurs dénudés baignés d’une atmosphère quasi surréaliste, prennent leur source dans la peinture hollandaise afin d’offrir cette force, ce calme, ce mystère, cette luminosité et cette simplicité si subtilement dosée. En Suède, orienté vers la peinture de paysage par Karl Nordström, Eugène Jansson réalisa, au tournant du siècle, d’étranges paysages urbains sous des nuits voilées de mystère, tandis que le Norvégien Edvard Munch développa le reflet de ses angoisses d’une manière de plus en plus expressive. Le mouvement symboliste trouva résonance au Danemark dans les œuvres de Jens Ferdinand Willumsen ou d’Ejnar Nielsen. Quant à la Finlande, longtemps réfractaire aux nouvelles tendances artistiques, vit l’art d’Akseli Gallen-Kallela évoluer vers le Symbolisme et le Synthétisme au cours des premières années du XXe siècle.



Pekka Halonen

La nature fut incontestablement le sujet de prédilection des peintres de cette époque, mais son approche différa de celle des artistes Français. Primitivisme et exotisme conduisirent les artistes nordiques à découvrir des « terres vierges », contrées oubliées de leur propre pays : Carélie en Finlande, Dalécarlie et Bohüsan en Suède, montagnes de Norvège... Trois oeuvres finlandaises représentent parfaitement ce courant : « Le Grand Pic Noir – Terre désertique » (1893), « Les Rapides de Mäntykoski (1892-94) d’Askeli Gallen Kallela, (1865-1931) Terre Désertique (1899) de Pekka Halonen (1865-1933). Plus encore que l’évolution de la nature finlandaise, ces toiles sont devenues le symbole de la Finlande luttant pour conquérir son indépendance, politique face à la Russie, et culturelle face à la Suède.

Akseli Gallen-Kallela : "Les Rapides de Mäntykoski "- je n'ai pu scanner quece seul document en noir et blanc car unique en ma possession. Imaginez les 5 cordes dorées, comme pour symboliser une harpe devant les chutes d'eau. Ce tableau est gigantesque et magnifique.


Pekka Halonnen : "Terre de Carélie" ou "Terre Désertique"

Quand, à l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, la Finlande, alors Grand-Duché rattaché à la personne du Tsar Nicolas II, obtint que soit construit un pavillon séparé de celui des Russes où était présentée une partie de ses œuvres (les peintures étant exposées avec les toiles russes) elle affirmait déjà son indépendance. Edifié par Eliel Saarinen, Gesellius et Lindgren, le pavillon finlandais fut décoré, entre autres par Pekka Halonnen, ainsi que le rappellent les deux grands panneaux : Lessive sur la Glace et le Chasseur de Lynx.
Ces deux toiles illustraient des scènes de la vie quotidienne et répondaient à la mission que s’étaient fixée les artistes : retrouver les coutumes nationales.


Akseli Gallen Kallela :"Le Lac Keitele"

Akseli Gallen Kallela
A l’époque symboliste, artistes et écrivains européens s’interrogèrent sur la destinée de l’Homme. A cette initiation au mystère de la vie et de la mort, Gallen Kallela apporta une réponse proche de celles de ses contemporains. Ainsi, dans le mausolée construit par Juselius à la mémoire de sa fille, Gallen-Kallela a-t-il peint des fresques dont deux esquisses : "le Printemps" et "l’Automne" (1902-03).
Ayant recours au procédé allégorique, très répandu alors en Europe, Gallen Kallela se différencie pourtant des Scandinaves qui ne l’employaient guère, mais le thème de la marche du peuple finlandais vers le monde de la mort est cependant tout à fait dans la tradition nordique.

L’Héritage Naturaliste
Bien qu’à la fin des années 1880, le Symbolisme se soit développé rapidement dans les Pays du Nord, à cette époque, les artistes étaient encore très marqués par le Naturalisme. Au cours de la 2e moitié du XIXe siècle, la plupart d’entre eux avaient dû quitter leurs pays pour compléter leur formation donnée par les Ecoles des Beaux-Arts de Copenhague et de Stockholm. C’est ainsi qu’ils passèrent par Düsseldorf et Munich avant de venir à Paris, approximativement entre 1870 et 1890.

En France, conseils et cours leur avaient étés dispensés par des professeurs académiques tels que Gérôme, Bonnat, Puvis de Chavannes, Dagnan-Bouveret. Or, ce fut la découverte du plein air et de la lumière qui les influença profondément. Ce n’est pas la leçon des impressionnistes qu’ils retinrent, mais celle d’un artiste du juste milieu : Jules Bastien-Lepage.
Quel que soit le pays d’origine des peintres, leurs toiles en portent témoignage : «Soleil d’Automne» réalisé en Bretagne en 1886 par le Suédois Ernst Josephson (1851-1906), «Sous la Lampe» (1890) et «Baptême dans l’Eglise de Tanum» (1892) de l’artiste Norvégienne Harriet Backer (1845-1933) pratiquant, ainsi qu’elle le disait, le «plein air à l’intérieur» ou encore le paysage qui accompagne le «Portrait de Larin Paraske» (1893) d’Albert Edelfelt (1854-1905). Cependant, l’atmosphère musicale et pleine d’intériorité de ces toiles annonçait déjà la décennie suivante.

Christian Skresdsvig : "Jeune homme à la flûter de sureau"


De la Peinture d’atmosphère à la « Suéditude »
Les premières manifestations du Symbolisme, la Peinture d’atmosphère, ont fait leur apparition en Norvège. Certains artistes dont Kitty Kielland, Harriet Backer, Eilif Peterssen, Erik Werenskiold, Gerhard Munthe, se réunirent pour travailler dans la ferme de Christian Skredsvig et se mirent ainsi à représenter quelques unes des caractéristiques de la nature nordique, tels les crépuscules, les longs soirs d’été et les eaux des lacs, des fjords et des rivières. Le Lac de Daelhi, situé près de Fleskum, devint le sujet de prédilection de ces artistes, en particulier Christian Skredsvig (1854-1924) dans le «Jeune Homme à la Flûte de Sureau», Eilif Peterssen (1852-1928) dans "Sömmernatt" (Nuit d’Eté), Kitty Kielland (1843-1914) dans son "Sömmernatt". La confrontation de ces toiles permet de faire apparaître les caractéristiques de la peinture d’atmosphère avant 1890 : mystère, poésie, musicalité. Elles seront toujours présentes plus tard, en particulier dans le portrait du peintre Torleiv Stadskleiv, "le Rêveur" (1895) d’Halfdan Egidius (1877-1899), mais alors contrebalancées par une plus grande vigueur dans la composition et l’expression.


Eilif Peterssen : "Sommernatt" (nuit d'été)


Egedius : "Le Rêveur"

La Peinture Suédoise apparaît le plus souvent monumentale et intense. Violence souvent contenue qui n’en acquiert que plus de force. Ainsi, seule la main, dans le « Portrait du peintre Eva Bonnier » (1889) par Richard Bergh (1858-1919), concentre-t-elle et exprime-t-elle toute l’angoisse du peintre.


Richard Bergh : "Soir d'Eté Nordique" Karyn Pyk et le Prince Eugen

Richard Bergh
Le monumental «Soir d’Eté Nordique» (1899-1900) de Richard Bergh, nous invite à admirer la nature suédoise par l’intermédiaire de la cantatrice Karin Pyk et du Prince Eugen. Contemplation sereine de la part du prince, contemplation nerveuse de la jeune femme ainsi que le traduit son corps trop tendu, ce qui confère à cette toile un léger caractère érotique, à la manière de Munch. Tout, dans cette œuvre, exprime une attente insatisfaite : la progression du regard nous conduit solennellement des personnages jusqu’au cœur du sujet : le lac et les arbres à l’horizon, la balustrade qui empêche toute fusion avec la nature, la composition qui reporte si loin l’objet d’admiration. Impossible liaison avec la Nature, à l’opposé des procédés habituellement usités à cette époque par les artistes Nordiques.

Prince Eugen : "Le Nuage"

Prince Eugen Bernadotte
Ainsi, le Prince Eugen, (1865-1947, petit fils de Jean-Baptiste Bernadotte, roi de Suede, et de Désirée Clary, peintre avant d'être prince, surnommé le "Prince Rouge", car il se voulait libre), nous introduit-il directement à l’intérieur des paysages, aussi bien dans la «Forêt » (1892) que dans ses « Eaux dormantes » (1901). Alors l‘angoisse peut-elle s’imposer d’emblée comme dans le « Nuage » (1896). La reconstruction synthétique du paysage et la stridence des coloris sont les seuls moyens d’expression de cette inquiétude car tout détail anecdotique en a été banni. Ce caractère tourmenté se retrouvera dans la Peinture Norvégienne, notamment dans « Orage menaçant » d’Hafldan Egedius.



Bruno Liljefors "Lievre en Hiver"

Au contraire des artistes qui projettent leurs sentiments dans des paysages-états d’âme, d’autres artistes, tels le Suédois Bruno Liljefors (1860-1939) sont des observateurs de la vie végétale et animale. Avec un goût pour la matière dans la tradition de Courbet, Liljefors exprime les forces vives de la nature dans ses œuvres à la fois imposantes et intimistes.
Ejnar Nielsen : "Et dans ses yeux je vis la mort..."


Ejnar Nielsen
« Et dans ses yeux je vis la mort »… Ce titre d’un tableau du peintre Danois Ejnar Nielsen (1872-1956) aurait pu se retrouver dans bien d’autres œuvres danoises ou finlandaises, la mort étant l’un des leitmotive de la période symboliste. Pourtant, ainsi que le rappellent, dans les années précédentes, les tableaux d’obsèques, ce thème n’est pas neuf, mais il perd progressivement son aspect réaliste et descriptif au profit d’un caractère symboliste et métaphysique. Ainsi Laurits Andersen Ring (1854-1933) explicite-t-il sa pensée en ajoutant dans « Soir » (1887) un squelette au-dessus du portrait de la vieille femme. Devant la mort, la révolte est inutile, que ce soit « Soir » ou « Jeune fille malade » (1896) d’Ejnar Nielsen. Regarder l’existence dans la perspective de la mort, la vie véritable est intérieure, tel est l’enseignement délivré par Nielsen dans ses toiles, « Et dans ses yeux je vis la mort » (1897) et « l’Aveugle » (1896-98). Ce caractère morbide se retrouve également dans l’œuvre du Finlandais Magnus Enckell (1870-1925), en particulier dans « l’Adolescent avec un crâne » (1893). Très influencé par les idées du Sâr Péladan, organisateur des salons de la Rose + Croix, Enckell a repris ici l’idée du mage français : exprimer la beauté par la jeunesse, l’androgynie, l’adolescent immature. Mais en se rattachant à la tradition des Vanitas, Enckell va au-delà de la simple interprétation symboliste.


Magnus Enckell : Adolescent avec un crâne



Akseli Gallen Kallela : Symposion - 1894
(Axel Gallen, Oskar Merikanto, Robert Kajanus et Jean Sibelius).

Dans « Symposion » (1894), Gallen Kallela formule ceci par une interrogation, plus que par une réponse. Sur ce tableau, les membres de la Jeune Finlande (le musicien Mérikanto, les compositeurs Sibelius et Kajanus) réfléchissent à l’avenir de leur pays, tandis que Beda Stjernschantz (1867-1910) célèbre, à travers le mythe antique d’Antinoüs, le Printemps éternel dans « Primavera » (1897).




Beda Stjernschantz "Primavera"


Vilhelm Hammershoï (1864-1916) Danemark
En 1882, Vilhelm Hammershoi poursuivit ses études d’Art dans l’atelier privé de Peder Severin Kroyer, après trois années à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague. Il commença à peindre des scènes d’intérieur en accentuant certains éléments du décor, isolés dans une composition simplifiée. L'artiste se rendit à Paris pour l’Exposition Universelle de 1889, où quatre de ses tableaux furent exposés. L’année suivante, écarté par les milieux officiels, il fondit une société d’artistes indépendante dont les expositions présentées à Copenhague furent saluées par le critique français Théodore Duret, puis par le poète allemand Rainer Maria Rilke. Hormis Whistler, qu’il ne parvint jamais à rencontrer, il ne semblait guère chercher à voir ou connaitre d’autres peintres lors de ses séjours à Londres et à Paris, où il reste peu de traces de son art.




Une inquiétante étrangeté règne dans les œuvres de Vilhelm Hammershoi. Au prime abord, il portait un regard de peintre sur le monde qui l’entourait et se souciait d’apporter des solutions strictement picturales aux problèmes posés par la représentation. Aussi a-t-il créé des œuvres poétiques et inattendues. Dans les « Cinq Portraits » de ses amis, (tableau de 1901), il a manifesté une grande sensibilité à la géométrie des corps, aux jeux de la lumière tout en s’attachant à l’expression psychologique des personnages. Pourtant Hammershoi est incontestablement marqué par la tradition, il a regardé les maîtres anciens, Rembrandt, Vermeer de Delft ainsi que le rappellent ses portraits de femmes vues de dos dans un intérieur. Il n’en fut pas moins un homme de son temps, admirateur de Whister et proche de Degouve de Nuncques et de Vallotton. Mais, comme nul autre, il a su parler le vide, rendre le rythme architectural d’un édifice, privilégier les valeurs plus que les couleurs, transformer une construction en un lieu irréel comme dans « Batiments de la Compagnie Asiatique » (1902).


Hammershoi
Le même esprit et souvent les mêmes techniques caractérisent les œuvres des femmes peintres Finlandaises, Hélène Schjerfbeck (1862-1946) et Ellen Thesleff (1869-1954). La même économie de moyens, l’absence de toute anecdote, la richesse des noirs chez Hélène Schjerfbeck, la délicatesse des tons argentés chez E. Thesleff, permettent d’exprimer l’essentiel, la vie intérieure comme dans la « Couturière » (1903-05) de Schjerfbeck ou dans le portrait de Thyra Elisabeth (1892) par E. Thesleff, si proche des œuvres de Redon.

Hélène Schjerfbeck
Réalisés à une période heureuse de sa vie, les portraits et paysages de L.A. Ring manifestent plus de calme que ceux de son compatriote Hammershoi. La mélancolie est pourtant présente dans les paysages accompagnés de figures. Par leur posture, leur expression ou leur activité, ces personnages rappellent la fugacité du temps. Même si la vitalité de la nature explose dans les frondaisons fleuries, le regard de la future mère « A la Porte du Jardin » (1897) conserve une grande retenue, et je me demande, si cette femme est heureuse de son sort de gestatrice ou si elle aimerait s’affirmer tout autrement, le sort des femmes à cette époque, quel que soit leur pays, n’etait-il pas de trop se résigner ? De subir sa vie plus que de la vivre ?


L.A. Ring : "A la porte du Jardin"

Dans son étrange et lumineux « Soir d’Eté sur le Fjord de Roskilde » (1900), L.A. Ring atteint la sérénité, sentiment que l’on retrouve dans le délicat paysage de l’Islandais Thorarinn B. Thorlaksson (1867-1924), « le Grand Dimon » (1902).

Laurits A. Ring "Soir d'été sur le Fjord de Roksilde"

Laurits Andersen Ring (1854-1933), Danemark
Le père de Laurits Andersen Ring était un modeste charpentier dans un village du sud-ouest de Sjælland, l’île la plus à l’est du Danemark. Ses humbles origines se reflètent dans le réalisme de ses scènes de la vie rurale. Lorsque, en 1875, il entra à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, peu à l’aise en dessin, il peina à maîtriser les techniques de la peinture à l’huile. Il mit une dizaine d’années à surmonter ces difficultés. Vers 1885, il commença à créer le type d’image qui allait assurer sa célébrité. Ring avait déjà quarante-cinq ans quand il se rendit en France en 1889, mais il assimila rapidement les influences reçues à Paris, et les intégra dans ses oeuvres
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Eugène Jansson "La Rose"

Eugène Jansson (1862-1915), Suède
Jansson débuta ses études à l’Ecole de dessin de son quartier à Stockholm et les termina à l’Académie Royale des Beaux-Arts. En 1886, il rejoignit les «Opposants» qui refusaient l’enseignement académique et le système d’expositions officielles. Sa santé précaire et son éternelle pauvreté le freinèrent considérablement dans son travail. Karl Nordström lui fit rencontrer le collectionneur Ernest Thiel qui lui achèta des tableaux et lui offrit des voyages d’études à Paris, en Italie et en Allemagne. Jusqu’en 1905, Eugène Jansson peignit quasi exclusivement des vues de Stockholm la nuit, où la touche hardie se fait volontiers lyrique. Il consacra les dix dernières années de sa vie au thème du nu masculin.


Christian Krohg : "13 mai 1893"

Christian Krohg (1852-1925), Norvège
Christian Krohg fut élève en droit, selon les voeux de son père, avant de partir étudier la peinture à Karlsruhe, puis à Berlin où il partagea un atelier avec Mac Klinger. Krohg se rendit à Skagen en 1879, où il retourna souvent aux côtés de ses amis de la colonie d’artistes. En 1881-1882, il séjourna à Paris où il subit l’influence de Jules Bastien-Lepage, d’Edouard Manet et de Gustave Caillebotte, entre autres. De retour à Christiania, il créa, avec Erik Werenskiold, une société d’artistes qui organisait ses expositions en marge du système officiel. Il dirigea pendant quelque temps une revue d’avant-garde intitulée « Impressionisten », celle-ci contribuait à diffuser ses idées auprès de la jeune génération, dont Edvard Munch.
Wilhelm Bendz (1804-1832), Danemark
Lorsqu’il quitta sa ville natale d’Odense en 1820, Wilhelm Bendz se destinait à une carrière d’architecte. A Copenhague, il étudia le dessin auprès de Christoffer Wilhelm Eckersberg puis se consacra à la peinture de portraits et de scènes de la vie moderne. La précision de son style s’appuie sur une transcription scrupuleuse de la réalité, rehaussée par la poésie délicate des couleurs. Wilhelm Bendz se plaisait à observer ses modèles dans un environnement familier et les fixait sur la toile avec une magnifique aisance. Le désir de s’essayer à la peinture d’histoire l’incita à se rendre à Munich, où il séjourna un an. En 1832, il partit pour Rome afin de perfectionner son art. Mais il mourut à Vicence, quelques mois seulement après son vingt-huitième anniversaire.

Christen Dalsgaard (1824-1907), Danemark
Né à Skive, au nord-ouest de Copenhague, Christen Dalsgaard manifesta des talents précoces pour le dessin. Ses parents l’envoyèrent à Copenhague en 1841 afin d’étudier auprès de Martinus Rorbye, avant de terminer sa formation dans l’atelier de Christoffer Wilhelm Eckersberg cinq ans plus tard. Les tableaux de Dalsgaard se rattachent au courant nationaliste romantique, et exaltent la vie rude des paysans danois. Il peignit des scènes d’intérieur avec une exactitude proche du Réalisme social. La transcription méticuleuse des détails rend ces scènes particulièrement spectaculaires. Dalsgaard innova également dans ses petites études de coins de paysages ou de cabanes rustiques, exécutées avec une sensibilité qui confère un aspect monumental à de petits fragments de nature.

Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853), Danemark


La réflexion artistique de Christoffer Wilhelm Eckersberg s’est d’abord nourrie des idées exprimées par le portraitiste de cour Jens Juel, dont il épousa successivement les deux filles. Après des études à Copenhague, Eckersberg entra à l’atelier de Jacques-Louis David à Paris, où il acquit un savoir-faire technique déterminant pour l’évolution de son propre style. En 1813, à Rome, il trouva ses sources d’inspiration, il délaissa alors l’idéalisme néoclassique de David pour peindre les paysages romains en travaillant sur le motif, dans une veine réaliste. Dès son retour à Copenhague en 1818, il enseigna un Art de la peinture fondé sur l’observation de la nature, sur la fidélité de la représentation et sur la recherche d’effets poétiques. Ces principes inculqués à ses nombreux élèves jettèrent les bases d’un âge d’or danois qui dura jusqu’à sa mort.

Les Sagas Nordiques
Par la vigueur de son style, seul Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), était capable de restituer l’esprit et la violence de l’épopée nationale Finlandaise : le Kalevala.

Le Kalevala, poème épique en cinquante chants, raconte les origines légendaires de la Finlande. Recueilli auprès des bardes de Carélie par Elias Lönnrot entre 1828 et 1834, il fut publié pour la première fois en 1835, puis en 1849.
Akseli Gallen Kallela : le Forgeage du Sampô

Le Kalevala débute avec le mythe de la création, selon lequel le monde est né d’un œuf de fuligule. Ses poèmes relatent les querelles des peuples de Kalevala et Pohjola, les disputes des personnages principaux, des expéditions répressives et des voyages de demande en mariage. Une partie importante porte aussi sur l’histoire du Sampo, dont le mystère est encore aujourd’hui un sujet de réflexion. Les événements du Kalevala s’achèvent sur l’arrivée du Christianisme
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Diverses expéditions en Carélie aboutirent à la publication de cette saga narratrice de la rivalité entre la tribu de Pohjola et de Kaleva pour la possession du Sampo, instrument magique à l’origine de la toute puissance. Trois toiles : « La mère de Leminkaïnen » (1897), « La vengeance de Joukahainen » (1897) et « La défense du Sampô » nous présentent quelques-uns des personnages principaux du Kalevala. Leminkaïnen, héros et poète, voulait connaître le secret de la mort, sa mère souhaitait le rendre à la vie en envoyant les abeilles chercher le baume curatif. Dans la « Défense du Sampo », Vaïnämoïnen et Louhi se battent âprement afin de conserver le Sampo, tandis que dans la « Vengeance » le héros veut tuer son rival Vaïnämoïnen.

Gallen Kallela : "la defense du Sampô - musée d'Art de Turku (Finlande)

Après ses études à Helsinki, Axel Waldemar Gallen s’inscrivit à l’Académie Julian à Paris. Dès 1889, de retour en Finlande, il parcourut les régions reculées de Carélie. Son style réaliste commença à évoluer vers le Synthétisme au fur et à mesure qu’il ancrait son art dans l’Histoire et la mythologie finnoises. Il exposa avec Edvard Munch à Berlin en 1895, où il présenta burins et xylographies. En 1900, il participa à la décoration du Pavillon Finlandais de l’Exposition Universelle de Paris, avec tableaux, fresques et aménagements intérieurs. En 1907, ses préoccupations nationalistes le poussent à adopter le nom d’Akseli Gallen-Kallela. Grand voyageur, il peignit partout en Europe et séjourna au Kenya (1909-1911), d’où il rapporta plus de cent cinquante études à l’huile. Akseli Gallen-Kallela resta jusqu’à sa mort le peintre national Finlandais, créateur d’affiches, publicités et illustrations pour sa version du Kalevala.
Le souffle épique des illustrations du Kallevala se retrouve dans les dessins du Suédois Ersnt Josephson (1851-1906), destinés à illustrer les poèmes de Geiger, Skaldestycken. Josephson a su donner une ampleur baroque à ses personnages.
Inspirées par les contes et les sagas Norvégiennes, sans en être pour autant une simple illustration, les aquarelles de Gerhard Munthe (1849-1929), connurent un grand succès.

Très influencé par les motifs ornementaux de l’Art traditionnel norvégien, Gerhard Munthe réalisa des oeuvres synthétiques aux couleurs vives qui servirent de cartons de tapisseries, en dépit des réticences de leur auteur. Sa manière est très différente de celle du Finlandais Hugo Simberg, (1873-1917) également illustrateur de contes. Esotériques et symbolistes, telles apparaissent les miniatures de Simberg, aussi étranges que certains rêves. Leur compréhension sera facilitée par la lecture des Contes d’Andersen.


Hugo Simberg "l'Ange Blessé"


Hugo Simberg : "Ruusunpoimija" (1905)
Musée de Hämeenlinna

Théodor Kittelsen (1857-1914), plus connu pour ses nombreuses illustrations de contes pour enfants, s’est inspiré du livre de Faye pour représenter « La peste » ou « la mort noire » (1894-96). Il s’agit d’une évocation de la grande peste qui décima toute l’Europe en 1350. Kittelsen a donné à la mort les traits d’une petite vieille obstinée à exterminer toute vie et dont le caractère terrible est accentué par le jeu des noirs et des blancs.

Anders Zorn : "frileuse"

Anders Zorn
Le Suédois Anders Zorn (1860-1920), fut avec le Norvégien Frits Thaulow, un des peintres nordiques les plus influencés par l’Art Européen. Le choix de ses motifs ainsi que son style le rappellent clairement. Beaucoup plus que ses contemporains Scandinaves, il peignit des scènes de genre telles « La Grande Brasserie » (1890). Impressionné par Les Grandes Baigneuses de Renoir, Zorn s’adonna à la peinture de nus en atelier mais également dans la nature ainsi que le démontre « Sable Rouge » (1902).

" la foire de Mora"

«La Foire de Mora» (1892) manifeste, une fois encore, l’influence de Bastien-Lepage. Par l’interet porté aux coutumes de son pays, Anders Zorn reste pourtant bien ancré dans la tradition nordique, comme dans « La Danse de la Saint-Jean » (1897) même si ce retour aux sources prit chez lui un caractère réactionnaire.

Anders Zorn : "Femme en costume d'Orsa"

Anders Zorn naquit dans la petite ville de Mora, au centre de la Suède, de l’union illégitime d’un brasseur allemand et d’une employée. Entré très tôt à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Stockholm, d’emblée, il privilégia l’aquarelle. En 1881, Zorn se rendit à l’étranger pour la première fois et ne cessa dès lors de voyager jusqu’à la fin de ses jours. Etabli à Londres jusqu’en 1885, il se mit à la peinture à l’huile, à travers l’exemple de James McNeill Whistler et de John Singer Sargent. Après un séjour à Paris, Anders Zorn retourna à Mora où il installa son atelier. Aussi à l’aise dans le portrait, le nu et le paysage, il s’essaya avec bonheur aux techniques de la gravure. De son vivant, Anders Zorn fut sans doute le peintre scandinave le plus admiré dans son pays et le plus demandé à travers le monde, de l’Europe aux Etats-Unis.


Nordstrom : "Kyrkesund"

Karl Frederick Nordström (1855-1923), Suède

Après ses études à Stockholm, le peintre rebelle Karl Frederick Nordström, jugea la Suède trop «barbare», et en 1881, parti s’installer en France, à Grez-sur-Loing. Son long séjour lui permit d’assimiler toutes les tendances nouvelles, en particulier l’Impressionnisme. De retour en Suède en 1886, il s’insurgea contre le conformisme académique de la peinture qui se pratiquait à Stockholm et fondit à Varberg une école indépendante qu’il dirigea avec Richard Bergh et Nils Kreuger. Paysagiste avant tout, Nordström maîtrisait les techniques impressionnistes. Sous l’influence de Whistler, il évolua vers un style vaporeux aux résonances mélodieuses, qui accorde la primauté aux effets d’atmosphère. Comme Eugène Jansson, il fut attiré par les paysages nocturnes, mais les peignit sur un mode plus poétique que violemment expressif.



Peder Severin Kroyer : Sommernatt

Peter Severin Kroyer
Chef de file de la colonie d’artistes installés à Skagen dans le nord de la province du Jutland (Danemark), Peter Severin Kroyer (prononcer Peder Sevéri Rayeu, en roulant légèrement les R ! lol) (1851-1909) en est un des meilleurs représentants. Le petit port de pêche de Skagen était devenu après 1870 un des lieux de villégiature des peintres Scandinaves. Kroyer avait beaucoup voyagé et assimilé très tôt les leçons du plein air et du Naturalisme, il fut donc le premier artiste, avec Vigo Johanssen, à représenter les claires nuits d’été danoises. L’évocation de la lumière que sa touche fluide rendait merveilleusement, devint le thème de bon nombre de ses toiles, en particulier le célèbre « Soir d’Eté sur la Plage de Sonderstrand à Skagen » (1893).

Peder Severin Kroyer : "Soir d'été sur la plage de Sonderstrand à Skagen"



Malgré ses origines norvégiennes, Peder Severin Krøyer avait toutes ses racines artistiques au Danemark, où il vivait depuis son enfance. Il étudia à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague de 1864 à 1870, avant de compléter sa formation dans l’atelier de Léon Bonnat à Paris. En Espagne, il s’exerça à copier les oeuvres de Diego Vélasquez à qui il vouait une grande admiration. Krøyer peignit des scènes d’un réalisme parfois assez cru, qui ont pu choquer l’opinion. Après son premier séjour à Skagen en 1882, il adopta des thèmes plus centrés sur l’observation de la nature et des phénomènes atmosphériques. Comme les impressionnistes, il estompait le dessin des contours au profit des effets de lumière et de couleur, construisant ses tableaux par petites touches librement superposées. L’ambiance joyeuse de ses peintures ne laisse guère deviner son tempérament tourmenté, et pourtant ses angoisses grandissantes finirent par l’empêcher de travailler.


Michael Ancher "Pêcheurs de Skagen"

Michael Ancher (1849-1927), Danemark
Aucun des artistes de Skagen n’a joué un rôle plus considérable que Michael Ancher. Etudiant en droit, l’artiste pratiquait le dessin et la peinture à ses heures de loisirs, puis il entra à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, où Karl Madsen lui recommanda les paysages de Skagen et leur lumière exceptionnelle. Michael Ancher arriva à Skagen en 1874. immédiatement séduit par sa nature sauvage alentour, et par le mode de vie des pêcheurs. Ses premières peintures exécutées sur place évoquent leur combat quotidien, avec un réalisme qui allie l’observation attentive de la nature à la minutie académique de l’exécution. Ancher participa activement à la création du musée de Skagen, inauguré un an après sa mort.

Wilhelmson : " pêcheurs sur les rochers de Fiskebäcksill"

Carl Wilhelmson (1866-1928)
Si la mer est aussi le thème des œuvres du Suédois Carl Wilhelmson, son approche reste à l’opposé de celle de Kroyer. Wilhelmson a préféré replacer les figures dans leur milieu et montrer l’emprise de l’environnement, le Bohüslan, sur les hommes. Dans ses oeuvres telles que «Femmes de pêcheurs au retour de l’église» (1898) ou «Pêcheurs sur les rochers de Fiskebäckskill» (1905-06), la lumière, rasante et presque froide, accentue le caractère monumental des personnages, mais il les « chosifie » en même temps, comme si il n’y avait plus de différence entre les rochers et les marins.

Harald Sohlberg "Tapis de fleurs"

Harald Sohlberg
Célèbre pour ses paysages, le Norvégien Harald Sohlberg (1869-1935) s’attacha à exprimer la communion mystique de l’homme avec la nature, notamment les montagnes de Rondane où il vécut quelques temps.Il se caractérise par la violence de ses coloris, la frontalité de ses compositions, Sohlberg fut sensible aux lumières nocturnes et froides. Ses œuvres manifestent en outre, l’influence du peintre allemand Caspar David Friedrich, oublié à cette date, mais dont Sohlberg avait admiré les toiles à Berlin.


Harald Sohlberg " Soir d'Eté à Rondane"

Comme chez Friedrich, on retrouve une opposition entre les détails du premier plan et le fond de la toile. La disposition symétrique de la composition dans "La Nuit" (1904), est également influencée par Friedrich. La force émotionnelle de la simplification, la précision du dessin, la "personnalité" des paysages, le langage symboliste des couleurs laissent une impression profonde que l’on ressent aussi devant les œuvres du peintre Suisse contemporain, Ferdinand Hodler.

Carl Larsson (1853-1919)

Carl et Kersti "Vision dans le miroir"

Enfant des quartiers pauvres de Stockholm, Carl Larsson entra à treize ans à l’Ecole de Dessin de l’Académie Royale des Beaux-Arts. Tout en étudiant, il commença à gagner sa vie grâce à ses illustrations pour les journaux, ce qui lui offrit une solide expérience du dessin et des techniques du récit en images. De 1877 à 1882, Larsson partagea son temps entre Paris et Grez-sur-Loing, où il pratiquait l’aquarelle et la peinture à l’huile. Après son retour en Suède en 1885, il bénéficia du soutien de Pontus Fürstenberg à Göteborg, pour qui il réalisa plusieurs oeuvres majeures. Sa renommée grandissante lui valut de nombreuses commandes, y compris des peintures murales pour l’escalier du Nationalmuséum de Stockholm. En 1891, Carl Larsson se retira dans une maison de campagne à Sundborn, où il peint au jour le jour une chronique de sa vie familiale. Ces images publiées en album, sous le titre Ett hem (Un Foyer) 1899, remportèrent un immense succès.
Si Carl Larsson est aujourd'hui bien connu en dehors des Pays du Nord, il le doit surtout, outre ses portraits et ses peintures monumentales, à "Ett Hem" (Un Foyer) 1899, puis à l'album "De Mina" (les Miens).

Brita, le Chat et le goûter

Ces charmants dessins où éclatent le bonheur et la joie de vivre, décrivent sa famille et Sundborn, sa maison de Dalécarlie. Cette maison, située à Falun, apparut tout de suite comme typiquement suédoise, et eut tant de succès que tous les Nordiques s’en inspirèrent dans l’aménagement de leur intérieur.
(voir les 2 articles consacré à Larsson sur ce blog)

Karin et les Azalées (l'artiste Karin Bergöo-Larsson etait épouse de Carl)


"Fenêtre fleurie"

Carl Larsson emprunta pourtant quelques éléments aux décors traditionnels et au style Gustav III Wasa (XVIIIe siècle) ainsi qu’au mouvement « Arts and Crafts » de Grande Bretagne.
A coté de ses aquarelles largement diffusées, on peut découvrir d’autres aspects de son Art, en particulier dans son autoportrait de 1900 : finesse psychologique et assimilation d’influences artistiques telles que le Japonisme et l’Art Nouveau : "Devant le Miroir"

Carl Larsson : "Devant le miroir" document Art Gallery

Gustav Fjaestad

Bien que ce soit dans le domaine des Arts Décoratifs que l’Art Nouveau ait eu le plus d’importance, dans le Nord, on ne peut oublier son influence sur la peinture. Néanmoins, les Nordiques ont gardé une certaine distance à l’égard d’un mouvement qui devait leur apparaître en contradiction avec leur « nationalisme artistique ». Pourtant, Gustaf Fjaestad (1865-1938) et Helmer Osslund ont réalisé dan leurs toiles, « Soir d’Hiver au bord d’une Rivière » (1907) et « Automne » (1907) des paysages typiques du Nord mais dont le caractère décoratif est tout à fait dans l’esprit Art Nouveau.


Gustav Flaestad "Soir d'Hiver au bord d'une rivière"
Les prémices de l’Art Moderne
Alors que depuis 1885 environ, la représentation réaliste était remise en cause, quelques artistes Scandinaves dont les Suédois Ernst Josephson, Eugène Jansson, August Strindberg, le Danois Jens Ferdinand Willumsen et le Norvégien Edvard Munch créèrent de nouvelles formes d’expression artistique dont certaines furent appelées à un grand avenir. Déjà l’influence de Gauguin les avait conduit à abandonner une partie des canons classiques de la peinture, mais quelques artistes, en particulier les Suédois, iront plus loin encore.


Ernst Josephson : "Strömkarlen" (1884) (l'esprit de l'eau)

Si Ernst Josephson (1851-1906) a su retenir un thème chrétien avec le "Saint Sacrement" à coté de sujets tirés de l’Histoire et de la mythologie nordiques, son évolution stylistique sera la plus remarquable avec sa déformation des corps et des proportions ainsi que sa touche hachée. La schizophrénie dont il était atteint avait pu lui faire perdre ses repères habituels, mais il n’en demeure pas moins qu’il resta des œuvres annonçant l’art moderne.

Eugène Jansson : "Riddarfjärden i Stockholm"

A l’instar de Josephson, Eugène Jansson (1862-1915), fut peu compris de son vivant. Sans doute le bleu de ses paysages était-il à la mode et triomphait-il dans les toiles symbolistes belges ou autrichiennes, mais cette dominante déconcerta ses contemporains en abolisant les frontières habituelles de l’espace aussi bien dans "Riddarfjärden i Stockholm" (1898) que dans son autoportrait (1901).
L’approche de l’Art par August Strindberg (1849-1912), était très moderne, il favorisait le Hasard dans la production artistique, pour reprendre le titre de l’un de ses livres. A l’instar du Prince Eugen, Strindberg reconstruisait la réalité, mais en privilégiant la matière.Pour lui, la matière conduisait la main de l’artiste.

Srindberg : "la Vague"

Strindberg n’était pas peintre de formation, et à ce titre, pouvait, plus aisément qu’un autre artiste, abandonner les fondements de la peinture pour réaliser le "Champignon vénéneux solitaire" (1893) ou "la Vague" (1901-02).


Strindbergh

Jens Ferdinand Willumsen
Jens Ferdinand Willumsen : "Après l'Orage"

Au début du XXe siècle, quand Jens Ferdinand Willumsen (1863-1958) se remit à peindre après s’être consacré aux Arts Appliqués, le Symbolisme Romantique lui sembla dépassé. Comme les Futuristes Italiens, il était sensible au rendu du mouvement. Ce à quoi il s’attacha dans sa toile «Après l’Orage» (1905), dont le thème est cependant tout à fait Symboliste. Il Choisit une solution originale en figeant le mouvement de la mer et des personnages. La stridence et l’agressivité des coloris en renforcèrent l’Expressionnisme.


Edvard Munch : Soir d'été nordique


Edvard Munch
Par la nouveauté et la force de son style, Edvard Munch (1863-1944) s’imposa rapidement à ses contemporains. Au début de sa carrière, il subit l’influence de l’Expressionnisme,
prépondérance que de fréquents séjours à Paris renforcèrent.

Edvard Munch : "l'Angoisse"

Après le scandale provoqué à Berlin en 1892 par l’exposition de 55 de ses toiles, il s’y installa pour quelques années, marquant ainsi, et de façon profonde, la peinture Allemande. Munch fit rapidement éclater les frontières de l’Art Nordique, devenant plus Européen que Scandinave.

Edvard Munch: " le Cri "

Or, il repris les thèmes de son temps, illustrés par les titres de ses œuvres : "Inger sur la plage" (1889), "Mélancolie" (1891-92), "Clair de Lune" (1893). Il poussa à son paroxysme certains traits de la sensibilité nordique tels que le dépouillement et la volonté d’exprimer l’essentiel.

Edvard Munch : "Mélancolie"
Mais en revanche, il fut plus proche des Européens méridionaux en explicitant ce que laissaient seulement deviner les peintres des pays luthériens : les difficiles rapports entre hommes et femmes. Comme pour nombre d’autres artistes Symbolistes, la femme est fatale, "objet" d’amour et de répulsion, mais il exprima cette idée de manière si nouvelle, en exaspérant l’Expressionnisme de la forme et de la couleur, que Munch pu être considéré par beaucoup comme le précurseur de l’Expressionnisme.

Edvard Munch : "La Broche"
Edvard Munch entreprit des études techniques avant d’entrer en 1881 à l’Ecole Royale de Dessin de Christiania. Déçu par les méthodes surannées de l’école, il préféra fréquenter l’atelier privé de Christian Krohg, ouvert aux nouvelles tendances de l’Art. En 1883, Munch entra à l’Académie de Plein Air fondée par Frits Thaulow à Modum, et commença à exposer. Dans les milieux bohèmes de Christiania, sa sensibilité le portait vers des sujets à forte composante psychologique. Ce penchant s’accentua lors de son séjour à Paris en 1889, où il suivit les cours de Léon Bonnat et admira de nombreuses oeuvres modernes à la galerie de Theo Van Gogh ainsi qu’à l’Exposition Universelle. La mort de son père en décembre 1889 le plongea dans une grave dépression. Invité à Berlin en 1892, il fit la connaissance de Max Liebermann qui l’orienta vers des formes plus expressives. Munch travailla alors sur La frise de la vie, qu’il exposa en 1902 à la Sécession Berlinoise. A Berlin, en 1895, avec Akseli Gallen-Kallela, il présenta des oeuvres d’inspiration symboliste. De retour en Norvège en 1895, il souffrit sans relâche d’ennuis de santé aggravés par l’alcoolisme. Dès 1916, Edvard Munch, vénéré par les expressionnistes allemands, vécut dans une solitude totale.

Edvard Munch : "La Voix"
Article inspiré par dossier de presse de Catherine Join-Dieterlé - Presses Artistiques - Paris.