Marie Guillemine Benoist Portrait d'une Femme Noire Ou Portrait de Madeleine 1800 Musée du Louvre - Paris Néoclassicisme |
Marie-Guillemine Benoist... Son nom ne vous dit peut-être rien à brûle-pourpoint, mais l'une de ses oeuvres a rendu cette artiste célèbre. Cette toile peinte en 1800, conservée aujourd'hui au Musée du Louvre, (et dont le titre a été changé), est le premier tableau dont le sujet est une femme noire. Or, en cette période où les horreurs de l'esclavage sévissaient, l'artiste a osé s'y opposer et affirmer son intérêt pour la beauté d'une femme noire, chose totalement exceptionnelle, voire exclue, à cette époque. Aujourd'hui, sur son cartel au Musée du Louvre, le tableau se nomme "Portrait d'une Femme Noire" mais son titre, à la base, celui que Marie-Guillemine Benoist choisit lorsqu'elle présenta sa toile au Salon était "Portrait d'une Négresse", il fut peint 6 ans après l'abolition de l'esclavage.
Gravure 1794 Première Abolition de l'Esclavage par la Convention 16 Pluviôse An II (4 Février 1794) lien |
Citoyenne de son temps, Marie-Guillemine Benoist fut peut-être influencée par les gravures publiées dans les années 1790 (l'esclavage fut aboli une première fois en 1794) où les courants abolitionnistes présentaient des femmes et hommes noirs anonymes coiffés du fichu blanc devenu symbole de liberté, associé à la mention "moi égal à toi, moi libre". Si cette devise ne figure pas sur le tableau, le regard que nous adresse cette jeune femme semble en être la traduction. En 1818, ce tableau fut acheté par le roi Louis XVIII.
Ce portrait permit d'asseoir la réputation de l'artiste et lui fit obtenir une bourse afin d'ouvrir une école d'art réservée aux femmes (il ne faut pas oublier que certains cours de l'Académie royale de peinture et de sculpture, dissolue en 1793 et ancêtre de l'Académie des Beaux-Arts, n'était malheureusement destinée qu'aux hommes - parce qu'une femme ne devait pas voir un modèle masculin nu ! (Par contre l'inverse paraissait tout à fait normal) et que les femmes ne pouvaient pas y enseigner non plus. Cet enseignement officiel leur sera refusé pendant tout le XIXe siècle suivant ! Ce fut l'Académie St-Luc qui forma Elisabeth Vigée-Lebrun, célèbre portraitiste de Marie-Antoinette, et formatrice de Marie-Guillemine Benoist).
Portrait d'une Dame Marie Guillemine Benoist vers 1799 Musée de San Diego |
Fille d'un haut fonctionnaire, Marie-Guillemine de Laville-Leroux, épouse Benoist, naquit le 18 décembre 1768 à Paris. De 1781 à 1782, elle se forma dans l'atelier de la portraitiste Elisabeth Vigée-Lebrun et suivit les cours de Jacques Louis David, à l'instar de sa soeur : Marie Elisabeth Laville-Leroux, peintre des campagnes napoléoniennes.
Marie Guillemine Benoist fit partie de la génération des jeunes femmes qui accédèrent à la carrière de peintre à la veille de la Révolution. Dès 1784, elle exposa des scènes de genre et des portraits à l'Exposition de la Jeunesse, mais elle ne voulut pas se cantonner aux "sujets mineurs" accordés aux femmes artistes.
Marie Guillemine Benoist fit partie de la génération des jeunes femmes qui accédèrent à la carrière de peintre à la veille de la Révolution. Dès 1784, elle exposa des scènes de genre et des portraits à l'Exposition de la Jeunesse, mais elle ne voulut pas se cantonner aux "sujets mineurs" accordés aux femmes artistes.
Marie Guillemine Benoist Autoportrait 1790 |
Dans son autoportrait, (ci-dessus) on peut voir l'artiste entrain de copier un détail du "Bélisaire demandant l'Aumône" de Jacques Louis David, un tableau d'histoire, le genre le plus prestigieux pour les peintres. Elle réalisa plusieurs portraits de Napoléon et de sa famille dont son portrait pour la ville de Gand quand il était encore Premier Consul.
Portrait d'Elisa Bonaparte Grande Duchesse de Toscane Marie-Guillemine Benoist Vers 1805 Musée de la Villa Guinigi de Lucques Néoclassicisme |
Une autre oeuvre révèle les convictions féministes de l'artiste : "L’Innocence entre la Vertu et le Vice", (voir ci-dessous) peint en 1790 : le Vice y est représenté sous les traits d’un homme alors qu’il l’est traditionnellement sous ceux d’une femme par les artistes masculins :
L'Innocence entre le Vice et la Vertu Marie-Guillemine Benoist 1790 Néoclassicisme |
Petit à petit Marie Guillemine Benoist se libéra des influences de la peinture de David en abandonnant les sujets classiques pour la peinture de genre. Le 12 mars 13, l'artiste épousa Pierre-Vincent Benoist d'Angers dont elle eu trois enfants.
Marie Guillemine Benoist "Deux Enfants avec un Nid d'Oiseau" Reproduction en noir et blanc représentant les deux fils de l'artiste, Prosper et Denys Benoist d'Azy 1806 localisation inconnue |
Au salon de 1806, l'artiste présenta deux tableaux : celui de "Deux Jeunes Enfants avec un Nid d'Oiseau", et "Le Sommeil de l'Enfance" .
À la Restauration, Marie-Guillemine Benoist fut priée par son mari de renoncer à exposer afin de ne pas nuire à sa carrière politique : Pierre-Vincent Benoist fut nommé conseiller d’État en 1814... L'artiste céda et cessa d’exposer ses tableaux en public alors qu’elle était au sommet de sa carrière... Hélas.
Elle écrivit alors ceci à son mari : "La pensée que je serais un obstacle à votre avancement dans votre carrière serait pour moi un coup bien acéré. .../... Mais tant d’études, de soins, une vie de dur travail, et après ce long temps d’épreuves, les succès, et les voir presque un objet d’humiliation, je n’ai pu supporter cette idée. Enfin, n’en parlons plus, je suis raisonnable… "
L'artiste repose au cimetière du Mont-Valérien à Suresnes.
un plaisir de découvrir cette femme trop peu connue... pourtant j'ai du voir ce portrait de "femme noire" pour rester correcte !
RépondreSupprimermerci Nathanaëlle et bonne journée
Noire est tout aussi correct que blanc, il n'y a pas d'insulte raciste. Oui, les femmes artistes peintres ont pour la plupart été ignorées par l'histoire... Hélas, et pourtant elles sont nombreuses. Belle soirée Josette
SupprimerBelle découverte, merci Nathanaëlle pour cette histoire édifiante.
RépondreSupprimerSi Marie-Guillemine de Laville-Leroux n'avait pas adopté le nom de son époux (Benoist) et si elle avait signé ses peintures de son nom de naissance, sans doute la question de ses expositions ne se serait pas posée et n'aurait-elle pas été obligée d'interrompre sa carrière...
Le tableau que je préfère parmi ceux que tu présentes c'est "Le Sommeil de l'Enfance".
Bises de presque printemps
Coucou Nathanaëlle, il me semble avoir écrit un commentaire ici, mais je ne le vois pas ...
RépondreSupprimerJe ne peux absolument pas répondre à vos commentaires, il y a un souci sur Blogger que j'ai signalé, mais visiblement , je ne suis pas entendue... Veuillez m'excuser pour ce désagrément, c'est vraiment pénible, j'espère que cela va rentrer dans l'ordre rapidement.
RépondreSupprimer