LE GENIE DE PETER CARL FABERGE

L'oeuf à la statue équestre d'Alexandre III
offert par Nicolas II à Maria Féodorovna
(c) Musée Chambre Armoriale du Kremlin

Comment évoquer les Fêtes de Pâques sans, sur le plan artistique, ne pas parler du génie de l'orfèvre d'exception Peter Carl Fabergé ? Pendant un quart de siècle, Fabergé fut le symbole du luxe extravagant de la cour de Russie grâce à ses oeufs d'or ou d'argent émaillés de couleurs vives ou pastels, ornés de malachite, de jade ou de lapis lazuli et autres gemmes précieuses...

Oeuf au Muguet 1898
Or émaillé, petits brillants et perles
Offert par Nicolas II à Maria Féodorovna
Couleur favorite de l'impératrice
et sa fleur préférée.
hauteur : 15,1 cm

Une Dynastie Française au service des Romanov

Si l'on se réfère à l'Histoire, ce fut en 1685, lors de la révocation de l'Edit de Nantes que la famille Fabergé, Picarde et de confession Protestante, quitta la France, à l'instar de bien d'autres familles de Religion Réformée. Dans un premier temps installée en Allemagne, puis, en 1800, dans la province balte de Livonie, elle émigra vers Saint-Pétersbourg en 1830. C'est dans la ville des Tsars que, le 30 mai 1846, naquit Peter Carl Fabergé, qui restera à jamais pour les Russes Karl Gustavovitch, (Karl, fils de Gustave). Cet artiste joaillier créa la série des oeufs de Pâques impériaux, célèbres objets d'Art des règnes d'Alexandre III et de Nicolas II.

L'Oeuf aux douze monogrammes 1896
Cadeau de Nicolas II à Maria Feodorovna
(c) Hillwood Museum Washington DC
émail bleu, or rouge et diamants

Fils du joaillier Gustave Fabergé (1814-1893) et de  son épouse d'origine danoise, Charlotte Jungstedt, le jeune Carl grandit au  24, rue Bolchaïa Morskaïa, à Saint-Pétersbourg, dans la bijouterie paternelle, ouverte en 1842. Puis, ce fut Dresde qui vit arriver la famille Fabergé, ville où Carl et son frère Agathon intégrèrent l'Ecole des Arts et Métiers. Le jeune artiste completa sa formation lors d'un tour d'Europe, auprès d'éminents joailliers Allemands, Français et Anglais. En 1872, Saint Péterbourg le vit revenir vers elle, il avait 26 ans, année où il épousa Augusta Julia Jacobs et reçu l'influence méticuleuse d'Hiskias Pendin, employé de Gustave.

Oeuf au Cygne 1906
Cadeau de Nicolas II à Maria Féodorovna
(c) Fondation Sandoz - Lausanne
hauteur : 10 cm
Email mauve, cristal, or, argent et aigue-marine

De la Cour du Tsar à l'exil

En 1881, à la suite de son père, Carl prit en main la destinée de la maison Fabergé qui, du numéro 24, s'établit alors aux numéros 16-18 de la même rue. Désormais seul à la tête de sa maison, après la mort de Pendin, sa réputation fut très vite établie grâce à son originalité et son savoir-faire. Aidés par ses fils, rejoint par son frère Agathon, designer à Dresde, et par l'artisan Suisse François Berbaum, la créativité de l'artiste joaillier le conduisit à reconsiderer la conception du bijou conventionnel en s'inpirant de l'Art Nouveau, de la Renaissance, du style Louis XVI. La fantaisie était reine. Surtout après l'Exposition Pan-Russe de Moscou en 1882, où les distinctions honorifiques, dont la médaille d'or, firent remarquer la maison Fabergé du Tsar Alexandre III qui passa commande pour des boutons de manchettes en forme de cigales.

Oeuf à la Rose 1895
Cadeau de Nicolas II à son épouse Alexandra Féodorovna
il comportait 3 surprises, la rose jaune, symbole
du romantisme au XIXe siècle, une tiare de diamants
et un pendant de rubis

Lors de cette exposition, parmi les pièces présentées, se tenait la réplique d'un bracelet en or du trésor des Scythes, récente découverte des fouilles de Kertch en Crimée. Le Tsar ne put différencier le travail de Fabergé du trésor datant du IVe siècle avant J-C, et ordonna la présentation des oeuvres de la Maison Fabergé à l'Ermitage en qualité d'exemples de l'artisanat russe contemporain : œufs, fleurs, bijoux, figurines, cadres, pendules, boîtes précieuses...

L’Oeuf au Laurier (1911)
Or, émail, néphrite, diamants, citrines,

améthystes, rubis, perles, agate.
Hauteur: 30 cm.
© The Link of Times Foundation, Moscou.

Cadeau de  Nicolas II à sa mère, la tsarine douairière.

325 feuilles de jade d'un vert profond,

fruits en améthyste, citrine et bourgeons en émail blanc

Au sommet de l’arbre, un petit couvercle se soulève 

et laisse s’échapper un oiseau aux plumes

 naturelles et au bec en os qui chante en tournant la tête

Dès 1884, Peter Carl Fabergé eut le privilège de devenir fournisseur officiel de la Cour Impériale, les succès s'enchainèrent auprès des Cours d'Europe. Il reçut la Légion d'honneur en France. Les ateliers de l'artiste employaient plus de 500  artisans de haut vol, entre les boutiques de Moscou et d'Odessa et commercialisaient de Londres à Paris, jusqu'au bout du monde les objets les plus précieux.

l'Oeuf à la Poule 1885
Cadeau d'Alexandre III à Maria Féodorovna
or et émail blanc

Soucieux de conserver un certain prestige pour ses oeufs traditionnellement offerts pour la Pâque, en 1885, le Tsar Alexandre III fit confectionner à Fabergé le premier Oeuf en joaillerie pour sa femme, la Tsarine Maria Feodorovna, née princesse de Danemark. L'œuf en émail blanc cachait une poule multicolore en or qui dissimulait elle-même une couronne, et dans la couronne, des petits œufs en rubis. Au vu de succès auprès de l'impératrice, le Tsar commanda chaque année un nouvel oeuf pour elle à Fabergé. En octobre 1894, à la mort d'Alexandre III, le Tsar Nicolas II, perpétua la tradition paternelle pour son épouse et sa mère jusqu'au début de 1917, année où, empereur de toutes les Russies, il fut enfermé en son palais de Tsarkoïe Selo, envoyé à  Tobolsk puis Iekaterinbourg pour vivre ses tragiques derniers mois.

Oeuf du Couronnement - 1897
Offert par Nicolas II à son épouse, il dissilule une réplique exacte du carrosse
dans lequel l'impératrice arriva à Moscou, première capitale russe.
Le velours rouge est remplacé par de l'émail vermillon.
Le maillage du carrosse est réalisé avec de l'or et de petits diamants.
Le toit est orné d'une couronne de diamants et des aigles à deux têtes.
 La coquille de l'oeuf évoque l'or et le brocart de la tenue des souverains.
L'oeuf mesure 12,7 cm, le carosse : 9,3 cm

A la suite de la Révolution Bolchevique de 1917, le Comité des employés de la Coopérative Carl Fabergé prit la direction de la société. Carl dit adieu à la Russie en septembre 1918, Agathon n'eut pas cette chance et fut emprisonné.  Carl s'éteignit en exil, à Lausanne, le 24 septembre 1920. Il repose en France, patrie de ses ancêtres, dans le cimetière du Grand Jas à Cannes. Sa raison d'être avait été le faste et la grandeur d'une société disparue dans le rouge sang. Fabergé reste un mythe, un prestige irradiant encore aujourd'hui.

Pour voir tous les oeufs  en détail :
http://www.mieks.com/faberge-en/eggs.htm
(cliquer sur les noms, une page est consacrée à chaque oeuf)
Site Fabergé :
 http://www.faberge.com/Splash.aspx

Très belles Fêtes de Pâques à toutes et tous !

Portrait de Peter Carl Fabergé - fin XIXe