jeudi 6 juin 2013

SEBASTIEN STOSKOPFF, LE PEINTRE DE LA VIE SILENCIEUSE

"Nature Morte aux Verres dans un Panier"
 1664 - Huile sur toile, 52 x 63 cm.
Strasbourg, Musée de l’Oeuvre Notre Dame

Une orange, une jatte de fraise, une carpe, l’éclat d’un plat en étain, un amas de verre, une chandelle sur le point de s’éteindre... Le temps s’arrête, immobile. Une étrange présence s’installe… Poète des reflets et des scintillements fugitifs, dont il avait la passion, les sujets de Sébastien Stoskopff présentent un aspect fantastique sur leurs fonds sombres. Allégoriques ou moralisantes, ses œuvres sont marquées par une densité et une intensité extraordinaires, l'artiste traitait la lumière d'une manière magnifique et très originale.

"Les Cinq Sens à l'Horloge de Table" vers 1635
National Portland Museum - Oregon
Sur un fond brun, chaque objet se détache
avec la netteté d'un trompe l'oeil,
un Art dans lequel Stoskopff excelle.
Pendant toute sa carrière, de 1622 à 1667, cet artiste strasbourgeois n’aura d’autres modèles que les choses inanimées dont il tentait de percer les mystères. Mais contrairement à la plupart des artistes qui, à l’abri de toutes aventures, excellaient dans cet exercice tranquille, Stoskopff était dévoré d’ambition. Confiant en son propre talent, il sillonna les villes d’Europe, Hanau, Paris, Venise, Rome, Strasbourg, en quête de gloire et de généreux mécènes.

"Nature Morte à la Coupe de Fraises" 1620.
Huile sur bois, 21x36cm.
Strasbourg, Musée de l'Oeuvre Notre Dame. 

Composition monumentale pour cette coupe.
Elle évoque l'Art de Louise Moillon,
 une des rares femmes peintres du XVIIe siècle.
Elevé dans la tradition humaniste de la Renaissance, Stoskopff maîtrisait tous les arts. Né à Strasbourg en 1597 et 3e enfant d'une famille de la petite bourgeoisie luthériene,  il fut baptisé le 31 juillet de la même année. Géorg Stoskopff, son père, remarqua très tôt les dispositions de son enfant doué pour le dessin. Ainsi, Sébastien fut élève du graveur strabourgeois Friedrich Brentel, de 1580 à 1651.

"Nature Morte à l'Ecrevisse et au Citron"
Huile sur Toile 28x31 cm
 Musée des Beaux Arts André Malraux - Le Havre

Puis Géorg fera une demande auprès du Conseil de la Ville de Strasbourg afin que celle-ci finance l'apprentissage de son fils sur une période de cinq ans. C'est ainsi que de 1615 à 1619 à Hanau, près de Francfort, dans l’atelier du maître wallon Daniel Soreau, Sébastien apprit tous les genres de la peinture -du portrait à la nature morte- l’architecture, les mathématiques, mais également le luth et le jeu de balle : musique et exercice du corps. Soreau misait tous ses espoirs sur son élève en qui il voyait un nouveau Dürer.


"Nature Morte au Nautile,
avec Coquillage et Boite en Bois"

Vers 1620-29Huile sur toileMetropolitan Museum of Art


A la mort de Soreau, Sébastien Stoskopff reprit l'atelier et forma des apprentis avec les fils de Soreau, Isaac et Peter. A la fin de son contrat, Stoskopff choisit de se spécialiser dans l’Art de la Nature Morte, considéré comme le genre mineur de la peinture ! Car pour lui, il n’était d’autres joies que de poser l’instant. «Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux» : l’Art de Stoskopff est aux antipodes de cette pensée de Pascal qui définissait ainsi les "Vanités".


"La Grande Vanité" 1641
Oeuvre signée et datée - Huile sur toile, 125 x 165cm.
Strasbourg, Musée de l'Oeuvre Notre-Dame.
Stoskopff vint s'installer à Paris, autour de Saint Germain des Près, puis à Venise en 1629 où son Art subira l'influence du Caravage. En 1630, il revint à Paris dans le quartier du Marais, près de la rue Vieille du Temple où sa notoriété commença à poindre avec celles de Jacques Linard ou de Lubin Baugin, autres peintres de natures mortes.


"Corbeille de verres et pâté
et lettre adressée à Teniers
"
 1644
Morceau de virtuosité, transparence éclat des verres accumulés.

Après avoir exploré le monde des «vanités» et autres "Quatre Eléments" ou «Cinq Sens», genre très en vogue à cette époque où les crânes confrontés aux instruments de musique et de savoir symbolisaient l’éphémère de l’esprit et des biens de ce monde, Sébastien Stoskopff s’exerça à l’Art du trompe-l’œil. Ainsi il peint des gravures de grands maîtres de son temps comme Rembrandt, Dorigny ou Callot avec une telle virtuosité que l’empereur Ferdinand III d’Autriche s’y laissa prendre. Stoskopff riait de la tromperie et faisait en même temps l’éloge de l’œuvre.


Trompe l’Oeil avec Gravure
de Ferdinand Bol
 "Vieil Homme barbu avec sa Canne"
1642
Vaduz, Lichtenstein Sammlung.
(Histoire de l’Art)
En 1641, fort de la maîtrise de son Art, l'artiste alsacien revint dans sa bonne ville natale de Strasbourg où il épousa Anna Maria Riedinger, fille d'un orfèvre. Le couple eut une fille en 1647. La renommée de Stoskopff s’étendait à de nombreux souverains allemands et autrichiens comme le duc Eberhardt III de Wurtemberg, l’archiduc Léopold Wilhelm d’Autriche ou le comte Johannes de Nassau-Idstein, petit souverain protestant réfugié à Strasbourg. Grand amateur de peinture, de plantes rares et de jardins, ce dernier commanda quelques œuvres à l’artiste dont son portrait et celui de sa femme Anna.

"Nature morte à la Carpe sur une assiette
posée sur une boîte en bois et pichet
".
 Huile sur toile, 46 x 57cm.
Brême, Kunsthalle.(Histoire de l’Art)

Après la "Guerre de Trente Ans", le comte récupéra ses domaines d’Idstein en Allemagne et invita le peintre à l’y rejoindre en 1655, une solide pension à l’appui. Stoskopff était au comble de sa gloire mais hélas un an plus tard, le «peintre de Strasbourg », un jour d’ivresse à l’eau de vie, mourut subitement. Sa disparition brutale, comme son enterrement à la hâte entre 7 et 8 heures au matin du 11 fevrier 1657 «sans chant d’église ni son de cloche» suscitèrent quelques rumeurs d'assassinat. Accusé, Balthazar Moyses, l'aubergiste, parvint à se disculper. Mais 20 ans plus tard, l’affaire rebondit au grand procès de sorcellerie qui enflamma Idstein. Une des accusées témoigna du crime de ce Balthazar Moyses. Bien curieuse fin pour un artiste à la peinture aussi sage.


"Nature Morte aux Verres"
1644"
LES VANITES : La "Vanité" apparut au XVIIème siècle, elle tirait sa source des thèmes religieux, philosophiques ou moraux. Son but était d’évoquer la vie terrestre, ses plaisirs et ses excès, la fragilité du temps qui passe et la destruction inévitable de la matière, en résumé : la brièveté de la vie. L’artiste mettait en scène des objets tels que crânes, bougies, fleurs plus ou moins fanées, fruits rares ou légumes, insectes et petits rongeurs, coupes, hanaps, livres, instruments de musique, orfèvrerie, bijoux, globes terrestres et tables servies, tout ce qui attestait de la richesse et donc de la vanité. Dans ses peintures l’artiste associait ces symboles à ceux des activités humaines : savoir, science, richesse, luxe, plaisirs et beauté. Ce type de peinture fut particulièrement présent dans les pays protestants de l'Europe du Nord.

"Nature Morte à la Fondue avec Galette des Rois"
50 x70 cm

"Vanité au Vase Thériaque
1627
Huile sur toile 48x65
Gallerie Koetser  Munich
"Boite en Bois avec Verre et Citron"
Huile sur Toile 30,2 x 27,7
Stockholm Collection Privée
(Histoitre de l'Art)
"Nature Morte à la Pipe"
Huile sur Toile 1640
"Nature Morte à la Statuette de Junon et aux Coquillages"
Huile sur panneau de noyer, 52 x 73cm.
Paris, Musée du Louvre. (Histoire de l’Art)
"Coquillage et Corail" 1643
Huile sur panneau de chêne
37x27
Strasbourg, Musée de l'Oeuvre Notre-Dame
J'ai fait remonter ce billet précédemment publié il y a quelques années, j'en ai également profité pour en compléter l'iconographie. Ceci en raison du billet précédent consacré à Georg Flegel. Les deux artistes sont, à mes yeux, assez indissociables par leur souci du détail  et leur symbolisme, sans oublier Willem Claeszoon Heda

4 commentaires:

  1. Ce billet (et le précédent) sont passionnants. Quel grand talent, quelle triste fin pour ce peintre... Vanité que la vie ! Je suis émerveillée par ce propos et le partage tout à fait: «Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux» Merci Nathanaêlle pour ce bon moment passé chez toi. Bises. brigitte

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    1. Oui, triste fin hélas, mais quel talent ! La citation est de Pascal, mais Stoskopff n'était pas de cet avis. Il a réussi à faire aimer les objets grâce à sa peinture, ils sont beaux, même si dans la réalité on ne les voit pas aussi beaux. Mais l'Art n'est-il pas justement de montrer la beauté là où on ne la voit pas forcément.
      Bisous Brigitte, merci pour ton message, j'aime beaucoup échanger avec toi.

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  2. Dear Nathanaelle,

    These paintings are not really my style, but they are very cleverly done. Stoskoppf has a great eye for detail!

    Happy evening,

    Madelief x

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    1. Thank you Madelief, yes Stoskopff was a great eye !
      Nice sunday !
      Nath xxx

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Merci pour votre petite touche de couleur...