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Photo Saint-Flour.com |
Au dessus de la Truyère, le petit frère de fer, mais néanmoins ainé, de la Tour Eiffel déploie son arc rouge sur la verte et sauvage vallée environnante. La sensation de puissance et de légèreté que l’on éprouve à l’intérieur du viaduc donnent à penser que, ainsi que le dit si joliment Patricia Vergne-Rochès, le terme "d’ouvrage d’Art" fut inventé pour lui…
Ancêtre du Viaduc de Millau, Garabit, géant d’un autre temps, construit en plein cœur du Cantal et doté d’une arche monumentale, fut, au XIXe siècle, le plus grand ouvrage métallique du monde. Il fut aussi, et surtout, un véritable laboratoire en vue de la construction de la Tour Eiffel...
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(C) Pierre Soissons |
Deux hommes pour un viaduc :
Gustave Eiffel, (1832-1923) le magicien du fer, figure emblématique du XIXe siècle et de l’époque du chemin de fer, multiplia les exploits techniques tout au long de sa carrière. Le viaduc de Garabit et la Tour Eiffel en sont les plus belles illustrations. Leur projet était audacieux, voire risqué...
En 1878, âgé de 27 ans, l’ingénieur Léon Boyer devint responsable des études de la ligne de chemin de fer de Marvejols (Lozère) à Neussargues (Cantal). Afin de résoudre le problème que posait le franchissement des gorges de la Truyère, il s’inspira de la réalisation du Viaduc Ponte Maria Pia de Porto sur le Douro (Portugal), achevé un an plus tôt par l’entreprise Eiffel sur les plans de Théophile Seyrig.
En juin 1879, l’Etat signa un marché de gré à gré avec l’entreprise Eiffel, considérée comme la seule capable de réussir cet ambitieux projet. Pendant des siècles, le Massif Central resta un noyau irréductible, au XIXe, l’ingéniosité de ces éminents hommes de l’Art permit au progrès de se frayer un chemin pour relier Paris à Beziers.
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Photo Saint-Flour.com |
Le viaduc de Garabit fut construit de 1880 à 1884. Un véritable village fut bâti pour loger les 400 ouvriers et mettre à l’abri outils et matériaux. Les pièces furent usinées près de Paris puis acheminées en train. Le transport sur les derniers kilomètres fut assuré par de longues caravanes d’attelages de chevaux et de bœufs.
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Image : Eiffel.com |
Le pont est construit sans cintre – fait exceptionnel pour un pont en arc – en porte-à faux tenu par des câbles. Technique proche de la construction par encorbellements successifs, les deux moitiés se joignent sans retouche à effectuer.
Le tablier lancé de chaque côté de la vallée fut mit en place par des leviers actionnés par des équipes de soixante hommes.
Autre innovation par rapport à Porto : la simplification des arbalétriers des piles, ouverts et à 3 faces, au lieu de 4, facilite l’entretien de l’ouvrage.
Garabit culmine à 122,20 mètres au dessus de la Truyère et s’étire sur 564,69 m. Le tablier en fer qui relie la maçonnerie des deux versants mesure 448,30m, il repose sur 5 colonnes de fer et un arc parabolique de 165 m d’ouverture et de 1200 tonnes et 52 m de flèche. 3 249 tonnes de métal et 678 768 rivets et 38 tonnes de peinture et 20 370 m3 de maçonnerie entrent dans sa construction. Son devis s’élevait à 3 1000 000 francs de cette époque, le budget fut respecté. A la fin du XIXe siècle, l’arche de Garabit était la plus grande du monde.
(Source : Guide du Cantal - Henri Delmont - Editions USHA 1948)
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Etapes majeures de la construction :
Septembre 1880 :
Fouilles et travaux de maçonnerie
Août 1882 :
Début du montage des piles en granit par les ouvriers Italiens
Octobre 1882 :
Montage des Fers
Juin 1883 :
Début du montage de l’Arc
Avril 1884 :
Clavage de l’Arc
Septembre 1884 :
Achèvement du tablier et pose de la voie de chemin de fer
Septembre 1885 :
Achèvement de la maçonnerie
Octobre 1887 :
Réception définitive des travaux
Avril 1888 :
Test de résistance de l’ouvrage
Novembre 1888 :
Mise en service de la ligne de chemin de fer.
En 1959, la mise en eau du barrage de Grandval constitua la première métamorphose de Garabit, le voici désormais à 90 m au dessus de l’eau.
En 1964, tournage du dernier film inachevé d’Henri Georges Clouzot. Romy Schneider et Serge Reggiani investissèrent le site pour le tournage. Le film imaginé par Serge Bromberg a recemment reçu le César du meilleur documentaire et remporté le Prix de la critique au Festival du film Français de Los Angeles.
En 1965, la Tour Eiffel et le viaduc de Garabit furent classés monuments historiques.
De 1992 à 1998, le Viaduc fut entièrement repeint en rouge Gauguin (ou rouge poinsettia), couleur initiale de la Tour Eiffel en 1889.
120 ans après sa construction, le viaduc brille de mille feux la nuit, à l’instar de sa haute sœur puinée.
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(C) J-Y Pencreach |
"Dans cinquante ans, dans cent ans d’ici, les visiteurs du pont, passant très vite, ne retiendront que le nom du grand ingénieur ; seuls, ceux qui prendront le temps de s’arrêter entendront souffler les forges, crépiter les marteaux et les bouchardes, grincer les charrois : ils apercevront les assises de pierre. Ceux-là pourront dire qu’ils ont vu le viaduc, les autres n’auront rien compris."
(Les Maudits du Viaduc Georges Barthomeuf et Roger Rouzaire)
Source : "Garabit"Patricia Vergne-Rochès
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Patricia Vergne Rochès - Editions La Vie du Rail |
"Jeunes et moins jeunes de tout le pays se sont mêlés aux talentueux Italiens pour accomplir avec de peu de moyens et dans des conditions difficiles une œuvre titanesque sous les ordres de brillants ingénieurs à l’époque révolutionnaire de l’arrivée du chemin de fer, du tout début du désenclavement de nos campagnes et de la découverte de la vitesse !"
Voici comment Patricia Vergne-Rochès résume 4 années de recherches passionnées sur le viaduc de Garabit.
Une histoire du Viaduc existe pour les enfants, racontée par Patricia et illustrée par Tony Rochon :
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Tour Eiffel Exposition Universelle de 1900
document Editor |
Le sculpteur Frederic Auguste Bartholdi fit appel à Gustave Eiffel pour la conception de la structure interne de la Statue de la Liberté. Ce dernier imagina un pylône métallique pour supporter les plaques de cuivre martelées et fixées, ainsi que le squelette secondaire interne qui permet à la « peau » de cuivre de la statue de garder sa position verticale. Les pièces de cuivre furent fabriquées dans les ateliers de la société « Gaget-Gauthier », en 1878. Les travaux de précision furent confiés par Eiffel à Maurice Koechlin, l'un de ses proches avec qui il travailla sur la Tour Eiffel.